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Droits des enfants bafoués, femmes de la campagne, 2020-2025 : un bilan catastrophique...

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7 min ⋅ 21/03/2025

Expulsion de la Gaîté Lyrique : les droits et la pratique étatique…

Plus de 450, c’est le nombre de personnes qui ont été violemment délogées de la Gaîté Lyrique cette semaine à Paris. Une “expulsion”, commanditée par la préfecture de police, qui a eu lieu au petit matin. Une “intervention” qui a laissé ces centaines de personnes sans abris, livrées à elles-mêmes. Ces personnes, ce sont de jeunes personnes. Des mineur·es. Des mineur·es isolé·es, à savoir des personnes de moins de 18 ans qui n’ont pas la nationalité française et qui se trouvent séparé·es de leurs représentant·es légaux·les sur le sol français. Des mineur·es qui attendent que leur “minorité” soit appréciée par les autorités pour savoir si oui ou non ils et elles pourront bénéficier d’une protection sur le territoire français. Des centaines de personnes qui ont, par nécessité, décidé d’occuper ce bâtiment de la ville de Paris, dans l’espoir d’être protégées par un État qui les harcèle et les brutalise au quotidien. Un État qui, en totale violation de ses obligations internationales, ne leur accorde aucune protection. Un État qui a été condamné par le Comité des droits de l’enfant qui lui a encore rappelé récemment que “La France doit considérer ces mineur·es comme des enfants à protéger jusqu’à la fin des procédures d’évaluation de l’âge, y compris judiciaires”. Car oui, la France a des obligations à l’égard des mineur·es non accompagné·es puisqu’elle a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) en 1990, qui souligne que les mineur·es non accompagné·es sont avant tout des enfants et qu’à ce titre iels doivent bénéficier de tous les droits établis par cette convention notamment, comme le prévoit l’article 20 “le droit à une protection et une aide spéciale de l’État”.

Les textes sont clairs : tou·tes les mineur·es doivent pouvoir bénéficier de la même protection lorsqu’iels sont susceptibles d’être en danger, peu importe leur nationalité. L’enjeu principal pour ces jeunes est donc de pouvoir prouver qu’iels sont mineur·es. Or, beaucoup d’entre elleux ne disposent pas de papier d’identité pouvant en attester. Les services administratifs doivent alors, sur la base d’un entretien poussé avec les demandeureuses, statuer sur leur minorité. Dans les faits, beaucoup d’enfants voient leurs demandes de prise en charge rejetées après quelques minutes d’entretien. Les services administratifs se disent débordés et les associations déplorent les conditions de traitement des demandes qui ne permettent pas d’instruire correctement les dossiers. Ainsi, seuls 30 % des personnes évaluées sont reconnues mineur·es isolées. 

Encore une fois, l’actualité démontre que les mineur·es non accompagnés ne bénéficient pas toujours de la protection que devrait pourtant leur offrir l’État afin de les soustraire des conditions précaires et dangereuses dans lesquelles un grand nombre d’entre elleux tente de survivre. Rappelons aussi que la France a été condamnée le 28 février 2019 par la Cour européenne des droits humains pour avoir infligé un traitement dégradant à un jeune afghan qui vivait seul dans la jungle de Calais entre 2015 et 2016. Par ailleurs, de nombreuses associations pointent du doigt le manque croissant de moyens financiers et humains mis à disposition des départements pour assurer à ces jeunes une protection. 

L’urgence est là et, malgré les condamnations, l’État continue de violer ses obligations internationales et afflige des traitements inhumains et dégradants à ces jeunes. Les droits existent, mais les autorités les piétinent. 


Les filles de la campagne

Le 28 février dernier, Maïwene Barthélémy obtenait le César de la révélation féminine de l’année pour son rôle dans le film Vingt Dieux. Elle y joue une jeune agricultrice qui ne ménage pas sa peine et qui essaie de trouver sa place dans un monde essentiellement masculin. L’intérêt de la culture (et du monde politique) pour le monde rural ne date pas d’hier mais cette année, la fascination pour ces territoires dits « oubliés » mais où vivent tout de même plus de 30% de la population, a été plus que manifeste. Le succès de Vingt Dieux, mais aussi du film La Pampa et du magnifique documentaire, la ferme des Bertrand (lui aussi césarisé) en témoignent. Mais au-delà de la bonne vieille dichotomie bobo des villes et beaubeauf des campagnes, des descriptions misérabilistes ou au contraire totalement fantasmées et alors que le spectre de l’extrême-droite plane sur tous nos récits que savons-nous vraiment de la vie dans les campagnes et surtout, que savons-nous vraiment de la vie des femmes dans les campagnes ?

Pas grand-chose.

Dans son livre Les filles du coin, Yaëlle Amsellem-Mainguy, leur consacre son terrain d’étude et ses premiers constats sont difficiles. Les filles et femmes de la campagne bénéficient de moins d’opportunités professionnelles. Il y est plus difficile de s’y déplacer (le prix de l’essence a notamment était à la racine du mouvement des gilets jaunes dont les femmes ont été partie prenantes et actrices), et donc de faire carrière, ou de pratiquer une activité sportive, ou de se soigner (le nombre de maternité a été divisé par 3 en 40 ans et les déserts médicaux touchent particulièrement la gynécologie), ou de se faire avorter. Les femmes y occupent des emplois précaires, souvent à mi-temps dans le domaine du care et de l’aide à la personne. Pour les très jeunes filles, la faiblesse de l’offre de transport autant que de l’offre socio culturelle teintent l’enfance et l’adolescence d’une réalité particulière. Dans son enquête, Yaëlle Amsellem-Mainguy note que les jeunes femmes utilisent souvent les mêmes termes pour décrire leur environnement « c’est mort », « y a rien », « y a pas beaucoup de gens de mon âge », « c’est paumé ». Ces descriptions répondent aux stéréotypes intégrés selon lesquels la jeunesse serait un moment d’enthousiasme citadin et de boulimie de sorties et d’interactions.  

Un constat partagé par la journaliste Camille Bordenet dans son article du Monde daté du 8 février 2024 et intitulé « ces 11 millions de femmes qui « tiennent la campagne » ». Période de crise et lieu en crise, de tout temps les femmes se sont substituées au manquement des politiques et de l’Etat. Atsem dans les écoles, secrétaires de mairie, aide à domicile pour personnes âgées, ce sont en effet elles qui « tiennent la campagne ». Plus intéressant que le débat sur le « narratif rural » ou le « rural washing » ou les « bobos en Bourgogne », la journaliste dresse un état des lieux d’une politique trop souvent décidée dans les ministères, éloignée des lieux, peu souple, qui peine à faire bouger les choses, à atteindre le tissu associatif local. Les attentions portées à la ruralité depuis la crise des gilets jaunes fait le plus souvent l’impasse sur les inégalités de genre et les spécificités du féminin dans les parcours de vie. Des initiatives émergent toutefois, 1,5 millions d’euros d’appel à projets ont été débloqués pour soutenir les structures qui soutiennent la campagne « femmes-ruralités » lancée par les CIDFF. L’Association des maires ruraux de France développe aussi un réseau des « élus ruraux relais de l’égalité » dont le but est de mieux accompagner les femmes victimes de violences et de les sensibiliser à leurs droits.

Ce que dit aussi Yaëlle Amsellem Mainguy dans ses travaux, c'est la variété des vies et des destins, en fonction des régions, des générations, du climat, de la géographie des lieux, de la proximité avec un bourg ou pas. Il est difficile d’écrire sur une réalité que l’on connaît peu ou mal. La mobilité dont nous faisons toutes et tous preuves est parfois inversement proportionnelle à l’immuabilité des récits qui entourent nos vies et nos espaces. On ne choisit pas où l’on naît et à la campagne, comme à la ville chacun peut mesurer le poids des déterminismes sociaux.

Il y a fort à parier qu’à la campagne comme ailleurs, les femmes ont trouvé des moyens de contourner les limites qui leurs sont imposées. Encore faut-il qu’on le voit, qu’on le reconnaisse, qu’on le rétribue à sa juste valeur et surtout que cela se traduise par du politique.


Pense-bête pour dans 5 ans

Il y a 5 ans déjà, le Covid-19 s'invite dans notre vie et la bouleverse en confinant la France pendant plusieurs semaines. Ces 5 dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde. En 5 ans, le nombre de conflits armés et de guerres a explosé sur tous les continents pour atteindre un record depuis 1950. Depuis 5 ans, le recul des droits des femmes s’accélère. Il y 5 ans, les marches pour le climat se déroulent aux 4 coins de la planète. Cinq années que l’écologie, le féminisme, l’antiracisme ou encore la paix sont les grands oubliés des politiques.

Aujourd’hui en France, “Make the Planet Great Again” est un lointain souvenir. Les reculs des engagements écologiques sont à contre sens de l’urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons : déréglementation des pesticides ; diminution du budget de la transition écologique ; négationnisme climatique ; poursuites judiciaires des militant·es et organisation de défense de l’environnement ; suppression de postes dans les organismes de l’Etat et menace de démentiellement de certaines agences ; suppression d’animaux de la liste des espèces protégées ; construction d’autoroutes et déforestation ; …

En France, contrairement à de nombreux pays comme les Etats-Unis ou récemment la Hongrie, les droits des femmes et des LGBTQIA+ ne subissent pas encore de reculs législatifs ou réglementaires. Mais plus insidieusement, les attaques contre ces minorités se multiplient, au plus haut niveau de la hiérarchie politique. Ministres, député·es , élu·es, préfet·tes entrent dans un jeu dangereux : interdiction de manifester, stigmatisation des personnes trans, suppression des programmes d’éducation sentimentale et sexuelle, atteinte aux tenues des femmes, baisse des financements pour lutter contre les VSS, censure, suppression de la CIVIISE, ministres ouvertement homophobes, …

Que dire du déclassement des métiers essentiels au fonctionnement de la société, qui ont été pourtant les premières lignes lors des successives vagues de variants du Covid ? Eux et elles aussi sont les grand·es oublié·es des budgets de l’État et des politiques de renforcement de ces services indispensables. A contrario, le financement de la défense, de la police, de l’économie de la guerre, de la réindustrialisation ou encore des grandes entreprises polluantes ne cessent d’augmenter au détriment d’un futur viable climatiquement et socialement.

Sans oublier l’augmentation sans précédent des actes racistes et des attaques répétées par le gouvernement contre les minorités non-blanches en France. Le durcissement des lois à l'encontre des exilé·es ou immigré·es est du jamais vu. Le RN n’a jamais été aussi proche du pouvoir.

Quels sont les points communs à tous ces sujets qui étaient pourtant porteurs de plein d’espoir en 2020 ? Il y a de nombreuses réponses possibles, entre ironie et vérités douloureuses : un courant anti-woke alimenté les médias ? Le masculinisme décomplexé après 5 années d’oppression des hommes cis blanc par les femmes ? Les inondations et tempêtes à répétition montrent bien que s’il pleut, le réchauffement de la planète est une conspiration ? Les assisté·es coûtent trop cher à la bonne économie de la France et il faut lutter contre ce fléau ? L’éco-terrorisme ?

Popol Green n’est pas là pour donner de réponses, mais pour alerter de ce catastrophique bilan 2020-2025. Aujourd’hui, l’amnésie à propos de l’histoire sombre du 20eme siècle ou le déni collectif des crises qui nous attendent sont certainement les plus grands défis pour ces luttes. Popol Green fait donc ce rappel pour que les 5 prochaines années ne soient pas pires que celles que nous venons de vivre.

À regarder

“Syrie : le goût de la liberté” - Documentaire de Sophie Nivelle Cardinale pour Arte.tv

Sophie Nivelle-Cardinale a filmé les premiers pas de la Syrie libérée début décembre: la liesse qui éclate dans la capitale syrienne, mais aussi en banlieue, à Douma dans la Ghouta orientale, chez ceux qui n’étaient encore que des enfants au début de la guerre. À retrouver ici

Mo, Netflix

Crée par Mohammed Amer inspirée de sa vie, Mo est une série comique sur une famille palestinienne exilée aux Etats-Unis. Avec un humour noir et cinglant, Mo traite de sujets sociétaux actuels aux USA avec une touche texane. Tout y passe : travailleurs sans papier, peur des musulmans et plus largement des immigrés, santé mentale, relations amoureuses, économie libérale, frontière avec le Mexique ou encore validisme. Si l’on rigole souvent aux malheurs du personnage principal, la série nous tire aussi les larmes, notamment dans la saison 2. Celle-ci nous emmène avec la famille de Mo dans leur pays d’origine, quitté sous la contrainte. Les retrouvailles sont aussi poignantes que la situation dans laquelle elles se passent n’est que désolation. Cette série sensible s’inscrit plus aujourd’hui que jamais dans l’actualité du génocide palestinien. À voir absolument.  




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