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6 min ⋅ 07/03/2025

L’eau, un enjeu démocratique majeur

Privatisation des sources par des géants industriels, pollution, surexploitation… L’eau, qui constitue l’un de nos principaux biens communs, est l’objet de convoitises et de surexploitation, au détriment de tout·es. 

La politique de l’eau en France s’est construite progressivement depuis le XVIIIe siècle, avec l’apparition des premiers systèmes d’approvisionnement. Dès 1778, la Compagnie des eaux de Paris est créée, et la gestion de l’eau devient une responsabilité communale à la Révolution française. Au fil des siècles, plusieurs lois sont venues structurer cette politique publique, notamment la loi de 1898 qui entérine l’intervention étatique pour réglementer l’usage de l’eau face aux besoins industriels et agricoles croissants. 

En 1964, une réforme majeure organise la gestion de l’eau par bassin hydrographique avec la création des agences de l’eau et introduit le principe du “pollueur-payeur”. Cependant, ce principe est souvent critiqué pour son inefficacité à contraindre réellement les grands pollueurs, notamment l’industrie et l’agriculture intensive, qui bénéficient encore de nombreuses dérogations et d’un contrôle limité. 

La loi de 1992 reconnaît l’eau comme un “patrimoine commun de la Nation” et renforce la planification via les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE et SDAGE). Néanmoins, cette reconnaissance juridique n’a pas empêché l’intensification des conflits d’usage, notamment entre agriculteurs, industriels et collectivités locales, particulièrement en période de sécheresse. Un rapport sénatorial de 2022 pointe ainsi un manque de gouvernance claire et un besoin de hiérarchiser les usages pour éviter que les intérêts économiques priment sur l’intérêt général. 

Depuis 2006, face aux défis climatiques et aux pollutions, la politique de l’eau a été repensée pour garantir un bon état écologique des ressources, avec notamment la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA). Pourtant, les objectifs fixés par la directive-cadre européenne de 2000, visant un bon état écologique des eaux d’ici 2015, n’ont pas été atteints, et la France a même été condamnée plusieurs fois par la Cour de justice de l’UE pour manquement à ses obligations en matière de qualité de l’eau. 

Les réformes successives, comme les lois Grenelle (2009-2010) ou la loi de reconquête de la biodiversité (2016), ont tenté de mieux protéger la ressource, mais les critiques persistent sur la lenteur des actions et le manque d’ambition des mesures mises en place. 

Le récent “Plan Eau” présenté en 2023 prévoit une réduction de 10 % de la consommation d’eau d’ici 2030, mais de nombreux experts jugent cet objectif insuffisant au regard des projections climatiques qui prévoient une baisse des précipitations et des sécheresses plus fréquentes. 

Enfin, un rapport de la Cour des comptes publié en juillet 2023 insiste sur la nécessité d’une meilleure tarification et d’un renforcement des contrôles, estimant que le modèle actuel favorise des prélèvements excessifs et une gestion inégalitaire des ressources. 

Face à cela, des personnes s’organisent pour dénoncer une gestion inéquitable et non démocratique de ce bien commun. Des soulèvements de la terre qui luttent contre les méga bassines aux activistes qui se battent localement contre la pollution des eaux, nombreux·ses sont celleux qui cherchent à défendre l’intérêt général tout en réclamant plus de démocratie et de transparence dans les prises de décisions autour de la gestion de l’eau. L’accès à l’eau potable reste aussi un enjeu de taille, notamment à Mayotte ou en Guyane où le nombre de personnes vivant au quotidien sans accès à une eau potable est bien plus important que dans l’hexagone : 30 % de la population à Mayotte et entre 15 % et 20 % en Guyane

L’urgence est là et notre bien commun que constitue l’eau est en danger. Il apparaît ainsi fondamental de faire de l’eau un enjeu central du débat public tout en réclamant davantage de participation et de concertation. 


Chercher l’eau

Faire la lessive, donner le bain, cuisiner, faire le ménage : c’est peu dire que l’eau est une affaire de femmes. Et quand l’eau vient à manquer, comme dans certaines régions du monde, il n’est pas étonnant que les effets sur la vie des femmes soient particulièrement notables et pèsent sur leur destin dans des proportions sans commune mesure avec les hommes. 

Un rapport de l’Unicef et de l’OMS datant de 2023 et intitulé « 2000-2022 : progrès en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène dans les ménages (WASH) focus sur les inégalités de genre » fournit, pour la première fois, une enquête approfondie sur la question, où l’on apprend que les petites filles et les femmes sont touchées de manières disproportionnées par les questions d’hygiènes.

Les chiffres d’accès à l’eau sont édifiants :

  • 1 personne sur 4 dans le monde ne dispose pas d’eau courante

  • 2 personnes sur 5 ne disposent pas d’installations sanitaires correctes

  • 1 personne sur 4 n’a pas la possibilité de se laver les mains avec de l’eau et du savon

Et il était évidemment nécessaire d’en mesurer l’impact plus particulier sur les femmes et les petites filles. 

Selon le rapport, 1,8 milliards de personnes vivent sans eau courante et dans 7 ménages concernés sur 10, ce sont les femmes qui sont en charge de l’intendance. Elles parcourent de longs trajets, ce qui empiète sur leurs loisirs, leur accès à l’éducation et les met aussi plus facilement dans des situations de danger et d’insécurité. On apprend aussi que plus d’un demi-milliard de personnes dans le monde partagent des sanitaires, ce qui a un impact sur la dignité, l’intimité et la santé des femmes et des jeunes femmes, notamment au moment de leurs règles. 

Pour nous qui avons la chance de pouvoir bénéficier des toutes les « commodités » comme on dit, il est difficile de se représenter une vie où il faudrait sortir de chez soi, parfois en pleine nuit, pour aller aux toilettes, où l’on ne pourrait pas se laver les mains ensuite, où n’importe qui, voisins de palier, inconnus, pourraient nous surprendre, avoir accès à notre intimité. Puisque c’est aux femmes qu’échoient le soin de faire à manger, de s’occuper des enfants et des malades, elles sont aussi plus susceptibles de tomber malade, quand elles ne sont pas en mesure de se laver les mains. 

Les données collectées lors de cette étude sont fondamentales pour prendre la mesure de ce que vivent certaines femmes sur la planète, d’autant plus que l’eau va devenir une denrée de plus en plus rare. Il est urgent de se mobiliser et de  trouver les réponses appropriées. 

Le droit de l’eau

A paraître bientôt sur notre site.

L'eau en temps de guerre

La guerre qui se déroule en Ukraine a deux particularités par rapport aux autres guerres actuelles sur la scène internationale. C'est la seule guerre où l'utilisation de l'arme nucléaire est un scénario possible et le seul cas où un membre du Conseil de sécurité de l'ONU a envahi un autre pays.

“Une nouvelle habitude s'est installée en Ukraine. Lorsque vous avez une bouteille vide en votre possession, vous la remplissez presque automatiquement d'eau et la mettez dans un coin de votre salon. C'est ainsi que l'on se prépare également à une éventuelle attaque nucléaire, car cette eau ne sera pas contaminée”.

Lina Kushch travaille depuis plus de 25 ans comme journaliste, experte des médias et formatrice en journalisme. Elle a fait des reportages pour Reuters et la BBC et a travaillé comme chef du département des correspondants régionaux au sein du journal ukrainien Golos Ukrainy. Elle est également première secrétaire de l'Union nationale des journalistes d'Ukraine et membre de la Commission sur l'éthique journalistique de son pays.

Clothilde Le Coz l'a rencontrée et elles ont discuté de la guerre pour Popol Post.

Cela fait plus de trois ans que l’Ukraine est en guerre. En y repensant, quels en étaient les signes annonciateurs ?

Cette guerre n'était en effet pas une surprise ; il s'est écoulé une année entière entre le moment où les discussions sur la possibilité de la guerre ont démarré et le moment où la guerre a réellement commencé.

En janvier 2022, j'ai demandé à notre organisation régionale de préparer un plan d'urgence, de cacher des informations sensibles, etc. Mais cela faisait peur à de nombreuses personnes. Certain.es de mes ami.es préparaient des sacs à dos, cherchaient des abris, allaient dans les magasins pour s'approvisionner. En réalité, personne ne voulait croire que si guerre il y avait, elle pourrait durer des années. 

Les premiers jours, nous avons réagi par la solidarité. J'ai passé les trois premiers mois à l’Ouest du pays et je m'en souviens très bien. J'étais en contact avec des gens à Kiev, où la nourriture manquait, où les médicaments étaient difficiles à obtenir. La solidarité, l'attention et la bonne volonté sont d'une grande aide pour survivre à ces périodes sombres.

Concrètement, qu’est-ce qui a changé dans votre vie quotidienne ? 

Beaucoup. Par exemple, le fait de ne pas dormir car j'entends des explosions toutes les nuits en ce moment. Quand je vais à l’étranger, je trouve cela reposant car je peux dormir.

Globalement, le rapport aux objets de la vie quotidienne change. 

Prenez les bouteilles d’eaux par exemple. Une nouvelle habitude s'est installée ; lorsque vous avez une bouteille vide en votre possession, vous la remplissez presque automatiquement d'eau et la mettez dans un coin de votre salon. C'est ainsi que l'on se prépare également à une éventuelle attaque nucléaire, car cette eau ne sera pas contaminée. Nous disposons de différents stocks essentiels : eau potable, conserves, eau de lavage. C'est devenu un réflexe.

On apprend aussi à voir les choses différemment. Le film alimentaire étirable est maintenant considéré comme celui qu'il faut mettre sur les fenêtres pour s'isoler des poussières de radiations si attaque nucléaire il y a. Les masques changent aussi ; on ne parle plus de ceux  qui peuvent nous protéger du du Covid mais plutôt de ceux qui nous permettraient de survivre à une telle attaque. En tant que journalistes, nous sommes même formé.es à l'utilisation de combinaisons de protection nucléaire.

Comment parvenez-vous à résister face à la situation ?

Dans la mesure du possible, il faut faire en sorte de ne pas penser à la guerre en permanence, mais il faut se préparer au pire scénario. Pour votre propre bien psychologique, il faut tenter d’être prêt.es au mieux pour l’affronter, mais ne pas donner sa vie et son temps à penser à ces scénarios. Y penser tout le temps, c’est laisser gagner la guerre. Alors si vous voyez que d'autres personnes soutiennent vos idées, ont les mêmes, regroupez-vous. C'est important pour la résistance et c’est là que ça commence.

Quel est l'enjeu aujourd'hui pour l'Europe ?

Si l'Ukraine perd cette guerre, les pays de l'UE devront dépenser plus pour leur propre défense et ils n'auront pas l'aide d'autres pays. Les pays de l'UE envisagent déjà d'augmenter le financement pour leurs armes afin de se préparer à la guerre avec la Russie. Les pays baltes se préparent d’ailleurs à une guerre avec la Russie d’ici deux ans. Il ne s'agit pas d'un scénario hypothétique ni d'une dystopie. C’est bien là et c'est en train de se produire.

En ce moment, certain.es comparaisons sont faites entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Qu’en pensez-vous ?

Trump et Poutine sont en effet du même genre, à cela près que la Russie utilise un moyen différent pour atteindre les Ukrainien.nes : la langue. La plupart d'entre nous comprenons le russe - ce qui n'est pas vraiment le cas en France ou ailleurs en Europe. La Russie façonne les récits et les narratifs à travers les gros titres, les vidéos sur YouTube, etc. Avec notre espace culturel et historique commun, il est assez facile pour la Russie d'influencer l'opinion. La preuve en est :  Les médias russes sont interdits en Ukraine, mais le message passe toujours sur les réseaux sociaux.




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